Vladimir Nabokov - L'Enchanteur


Nabokov est un joueur. Avec sa plume d’une esthétique lyrique,il place fébrilement ses pions un à un pour signer un court roman « pré-Lolita ». 🌸
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Tout commence dans un jardin public avec cette splendide cheville, ces jambes à la fois graciles et terriblement indélicates glissant sur l’asphalte pour faire du patin à roulettes. Ensuite, tout n’est que démesure et alanguissement pour cette fillette - car il s’agit bien d’une fillette, encore ! - et Nabokov distribue les cartes, friand de juvénilité, allant jusqu’à se rapprocher de la grand-mère et par la suite de la mère, pour saisir le temps au vol et admirer encore et encore la quintessence de cette mini Lolita, ses manières enfantines et son comportement qui côtoie la pureté mutine autant qu’il prédispose son altération future. Arrêter le temps, encore, toujours, avec une précision de maître et une poésie inconvenante, pleine de justesse et imagée, #nabokov se drape dans son indignité et joue les funambules avec ce roman qui se lit comme on déguste un dessert doux-amer. Lascif, dérangeant, attrayant, raffiné, indomptable, Nabokov survole une fois encore l’impudence et son style enchanteur fait planer. 🌸🌼🌸
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" Elle détalait à grand bruit sur l'asphalte, parmi les autres, le buste fortement penché en avant, balançant en cadence ses bras décontractés, elle filait à toute allure, confiante dans sa vitesse. Elle vira avec adresse, et sa jupe, en se soulevant, dévoila sa cuisse. Enfin son vêtement épousa dos si étroitement qu'il dessina une petite crevasse quand elle se mit lentement à rouler en marche arrière avec une ondulation à peine perceptible dans ses mollets. Etait-ce de la concupiscence, cette torture qu'il ressentait en la consumant du regard, émerveillé par son visage en feu, par le caractère ramassé et la perfection de chacun de ses gestes (en particulier lorsque, s'étant à peine figée, elle repartait précipitamment en tirant à toute pompe sur ses genoux proéminents ?) Ou bien était-ce l'angoisse qui accompagnait toujours son impossibilité de tirer quelque chose de la beauté et de la tenir immobilisée quelques secondes, d'en faire quelque chose, n'importe quoi, pourvu qu'il y ait une sorte de contact qui pût, par n'importe quel moyen, apaiser ce violent désir ? Pourquoi se creuser la tête ? Elle reprendrait de la vitesse, disparaîtrait, puis demain une autre fillette surgirait comme un éclair et ainsi il passerait sa vie à contempler un défilé de disparition."




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