Windows on the World - Frédéric Beigbeder



Rien de surprenant à ce que je vais vous dire : Beigbeder est fidèle à lui-même : sa plume sarcastique à souhait est toujours bien présente ainsi que sa capacité hors norme à nous agacer prodigieusement tout en nous attirant avec délectation vers les méandres de son cynisme ! En bref, du pur Beigbeder sans filtre. 😏

Entre anecdotes douces-amères sur sa propre personne, poésie et références artistiques mises à nues, idées éparses sur le monde actuel et d’antan, Beigbeder nous amène à une réflexion sur l’Americanisme et son contraire et ose restituer une fictive histoire sur ce qui s’est passé le 11 septembre 2001, au 107 ème étage de la tour Nord du World Trade Center. 
Beigbeder souffre d’un complexe d’infériorité supplanté par un égocentrisme chronique. Ou peut-être est-ce l’inverse. Qui sait ? en tous les cas, dans son roman, tout et tout le monde en prend pour son grade, comme d’habitude. Lui-même et son personnage en premier. En bref, j’adore le détester mais je me déteste franchement de l’adorer. 
C’est brillant. 

Windows on the world fût glissé dans la valise des vacances. Je ne certifierais rien, mais je pressens que Beigbeder a apprécié ce voyage 😉. Avec cette photo prise sur les berges du lac D'Annecy, on peut y voir une interprétation plus idyllique et imagée de ce à quoi peut ressembler une " Fenêtre sur le Monde". 

⤷ Lorsqu'on lit Beigbeder, on sait d'office qu'on ne sera pas épargnés. Nos turbines réflexives tournent à plein régime, et il est hors de question de présenter une vision édulcorée du monde ou des évènements. Mieux vaut être prévenu. Tout à tour grinçant, sarcastique, ironique, satyrique, Beigbeder ne fait pas dans la dentelle et se met à nu dans chacun de ses romans. 
Je me plais d'ailleurs à tenter d'y démêler le vrai du faux entre ses propos personnels et ceux de ses personnages fictifs, qui concordent généralement avec son vécu ou ses traits de caractères. 
Du moins, c'est l'impression que j'en ai. Tout est question d'impressions et de ressentis lorsqu'on lit. On ne fait jamais qu'interpréter. 

 Beigbeder semble souvent s'auto-agacer dans ses romans.
 Nombre de lecteurs verront chez lui un certain narcissisme, que je retrouve également beaucoup dans les livres d'Amélie Nothomb (que j'adore également, même si tous ses écrits n'ont pas fait l'unanimité chez moi). Mais ce narcissisme n'est pas caché, il est furieusement dévoilé, assumé. Aucun écrivain sincère ne peut prétendre qu'il n'y a pas une once de narcissisme dans ses écrits. Un livre, aussi fictif soit-il, est une production de l'être, de l'esprit. Il m'apparait hypocrite de dénier la part de vécu dans nos propres productions manuscrites. Et s'il ne s'agit pas toujours de vécu réel, tangible, il s'agit indéniablement de pensées et d'idées qui nous traversent l'esprit, qu'elles soient assumées ou non. Qu'elles fassent parti de ce qu'on nomme réalité ou qu'elles découlent de notre substance imaginaire et/ou inconsciente. 
En définitive, il appartient à chacun de se faire une idée sur ce curieux personnage qu'est Beigbeder. Pour ma part, le lire reste un plaisir non dissimulé. Tout y est, que l'on approuve ou pas. La réflexion au premier plan. 


⬇ E X T R A I T S ⬇

« L’art américain est en perpétuel renouvellement puisque profondément ancré dans la vie réelle. Les artistes américains cherchent toujours la nouveauté, mais une nouveauté qui nous parle de nous-mêmes. Ils savent concilier l’invention avec l’accessibilité, la création originale avec l’envie de séduire (...) ils s’emparent du monde, ils le transforment. » 


« Cachez ce sang que je ne saurais voir. Un building s’effondre, on le diffuse en boucle. Mais surtout, ne montrez pas ce qu’il y avait dedans : nos corps. »


" Dans La Plaisanterie de Milan Kundera, un des personnages pose cette question : Vous pensez que les destructions peuvent être belles ? (...)
Je n'arrive toutefois pas à me débarrasser d'un sentiment de malaise, le même qu'en écrivant ce livre : a t-on le droit ? Est-il normal d'être à ce point fasciné par la destruction ? La question de Kundera résonne étrangement au milieu de ces catastrophes (...) 
L'exposition de Virilio a fait scandale lors de son inauguration. 
N'est-il pas trop tôt pour esthétiser une telle désolation ? 
Le parti pris de Virilio a pu choquer : mêler les catastrophes industrielles aux attentats terroristes (...) avec une musique de film dramatique par-dessus. Je flâne entre les monstruosités. J'aimerais m'en laver les mains, j'aimerais croire que je ne suis pas complice de telles horreurs. Pourtant, comme tout être humain, à mon échelle microscopique, je suis impliqué (...)"

" Plus la science progresse, plus les accidents sont violents, plus les destructions sont belles. A la fin de l'exposition, Virilio a sans doute poussé trop loin la provocation en projetant la retransmission télévisée d'un extraordinaire feu pyrotechnique sur Shanghai : il ose établir un rapport entre l'horreur réelle et la beauté artistique. Cette expo m'a laissé un goût amer. J'en sors en culpabilisant encore plus qu'avant. L'effondrement des Twin Towers peut-il être mis sur le même plan qu'un banal feu d'artifice, fût-il le plus grandiose du monde ? 
Oh la belle flamme, oh la belle bleue, oh les jolis corps qui flambent ? Vais-je pouvoir me regarder dans la glace après avoir publié un roman pareil? Cela me donne envie de gerber mon petit-déjeuner du Ciel de Paris, mais je suis forcé d'admettre que mon oeil prend goût à l'horrible. J'aime cette fumée énorme qui s'échappe des deux tours sur grand écran, projetée en temps réel, ce panache blanc dans le ciel bleu, comme une écharpe de soie, suspendue entre la terre et la mer. Je ne l'aime pas seulement pour sa splendeur éthérée mais parce que je sais ce qu'elle signifie d'apocalyptique, ce qu'elle contient de violence et d'épouvante. Virilio m'oblige à faire face à la part de mon humanité qui n'est pas humaniste.  "




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